« Il est urgent de dénoncer une fois de plus l’abus de plastique dans le secteur alimentaire, de la production à la distribution. Sa présence est nuisible à la santé de l’environnement, des animaux et de l’humain, commente Edie Mukiibi, président de Slow Food.
Il existe des alternatives à cet usage massif, des solutions déjà adoptées et mises en place par les Marchés de la Terre locaux. Nous appelons de toute urgence les personnalités politiques et les lobbies à adopter une vision plus large, à mettre de côté les intérêts économiques et à regarder l’avenir du monde. Notre avenir. »
La Planète contre les plastiques, le slogan de cette Journée de la Terre 2024, nous donne l’occasion de réfléchir à l’emploi massif du plastique dans notre vie, surtout dans la production alimentaire et l’agriculture. L’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture des Nations unies (FAO) estime dans son rapport qu’en 2019, au moins 12,5 millions de tonnes de plastique étaient utilisées chaque année dans le monde pour la production agricole, une quantité équivalente à presque 3,5 pour cent de la production mondiale de plastique (359 millions de tonnes), alors que l’emballage alimentaire en consomme 37,3 millions de tonnes. Elle estime plus particulièrement que les secteurs de la production agricole et de l’élevage y contribuent à hauteur de 10 millions de tonnes, suivis par la pêche et l’aquaculture, avec 2,1 millions de tonnes et la foresterie avec 0,2 million de tonnes.
Pour couronner le tout, les plastiques abandonnés tendent à se dégrader en petites particules, appelées microplastiques, qui peuvent s’accumuler dans les sols et nuire aux organismes essentiels à des sols sains et à la croissance des plantes. Une fois transférés dans les chaines alimentaires, ils finissent par menacer la sécurité alimentaire et potentiellement la santé humaine.
Les solutions Slow Food
Le réseau mondial de Slow Food, qui lutte au quotidien pour garantir un accès à une alimentation bonne, propre et juste pour tous, a déjà mis en place des solutions concrètes pour réduire l’usage du plastique et transformer les processus de production et de distribution alimentaires, en présentant aux institutions et à la société civile les solutions existantes. « Les Marchés de la Terre en sont un bon exemple. Ces marchés paysans rassemblent des petits producteurs locaux qui y vendent leurs produits directement aux consommateurs et ce qui les rend vraiment uniques, c’est leur capacité à créer du lien social positif, » poursuit Eddie Mukiibi. En matière d’alimentation, le concept de durabilité ne s’applique pas qu’à la production, mais aussi à l’emballage et à la gestion des déchets. « Les producteurs des Marchés de la Terre du monde entier essaient de plus en plus d’inciter les consommateurs à intégrer une économie circulaire qui préserve non seulement leurs moyens d’existence, mais aussi la planète, » conclut-il.
Nous vous présentons donc des exemples du réseau des Marchés de la Terre de Slow Food.
« Le Marché de la Terre de Tarsus en Turquie se veut presque zéro plastique depuis son ouverture, explique sa coordinatrice Yasmina Lokmanoglu. Nous organisons actuellement des séminaires et ateliers sur les dangers du plastique et des objets à usage unique destinés aux clients et producteurs du marché. Nous recherchons également des matériaux de remplacement et tentons de donner l’exemple aux autres marchés de la région et du pays. Les visiteurs sont d’abord surpris, et puis la fois suivante ils viennent avec leur sac en tissu. Le monde est dans l’impasse face au plastique, et nous voulons essayer d’éduquer nos consommateurs. »
Au Marché de la Terre de Bogotá, en Colombie, les producteurs travaillent sur des initiatives de recyclage des sacs depuis 2017, ce qui a mené à la création de l’Arbre à sacs, ou árbol de bolsas. « Les clients rassemblent les sacs en papier, en tissu ou peu importe le matériau, dont ils n’ont plus besoin, les rapportent au marché et les placent sur notre arbre à sacs. L’idée est de faire circuler les sacs existants qui ne sont souvent utilisés que quelques fois et sont encore en parfait état, prêts à être réutilisés, » explique Yurani López, coordinatrice du marché.
Depuis 2020, le Marché de la Terre de Bouctouche au Canada a mis en place un modèle de gestion zéro déchet s’appuyant sur l’éducation, la prévention, la gestion des déchets, la réutilisation, le recyclage et le compostage. « Le marché essaie autant que possible d’intégrer le concept de récupération et a créé sa propre ligne de produits Slow Food recyclés. Nous pouvons affirmer être parmi les premiers marchés à adopter une approche globale zéro déchet, » annonce Nena Van de Wouwer, coordinatrice zéro déchet du marché.
Le Marché de la Terre de Capital Verde à Mexico concentre ses activités sur la réduction du plastique à usage unique. « La grande majorité de nos producteurs utilisent des emballages en verre lorsque c’est possible et établissent une dynamique spécifique de consigne avec leurs consommateurs, nous explique le coordinateur du Marché de la Terre Octavio Navarrete. Généralement, pour réduire l’usage de plastique à usage unique, nous sensibilisons le consommateur à l’importance d’apporter ses propres sacs réutilisables. »
Le Marché de la Terre d’Aguadilla à Porto Rico mène actuellement une série d’initiatives pour réduire les déchets et pousser au recyclage. « Les producteurs de jus utilisent des bouteilles en verre d’1 litre, tandis que les vendeurs d’œufs récupèrent les boites en carton », explique Julitza Nieves, l’une des coordinatrices du marché.