28 mars 2024

Maurice Info – Archives

Partager et informer depuis 2013

Carte d’identité biométrique : Attention Dangers

9 min read
Les archives de Maurice Info

Les archives de Maurice Info

Depuis le début j’étais contre la carte d’identité biométrique. Malgré toutes les assurances des autorités et tous les arguments qu’on m’a présentés ; je n’ai jamais été convaincu de la nécessité d’une telle carte.

Présenter trois pièces différentes de son identité est préférable que de se fier à une unique carte – En cas de doute sérieux, réclamer un certificat de confirmation du manager de sa banque ou de la police par exemple.
Beaucoup de gens étaient du même avis que moi, on s’est opposé pendant des mois. En compagnie de feu Dr Mahadeo, on set battu, on est même allé en cour mais comme dit le dicton « faute de combattants, le combat cessa ».

On dit que l’enfer est pavé de bonnes intentions. Prenons exemple sur le système Aadhaar mis en place en Inde en 2013 – presque au même moment qu’à Maurice. Une carte utilisant de multiples mesures de sécurité basées sur la technologie biométrique que sont : photo, scan de l’iris et l’empreinte des dix doigts. C’était supposé assurer la sécurité, protéger l’identité et la vie privée de 1.3 milliard de citoyens, les mettre à l’abri de la fraude et l’usurpation d’identité. Dans la réalité le système a été incapable d’assurer ces conditions. Des hackers pouvaient accéder au portail du govt et siphonner des données confidentielles y compris les données biométriques. C’est ainsi que des personnes malintentionnées ont pu ouvrir des comptes bancaires en utilisant de faux documents et en clonant des empreintes sur des « pouces en silicone ». En fin de compte, on s’est retrouvé dans une situation pire qu’on ne l’était avant l’implémentation du système Aadhaar.

Le bureau de l’audit a dû admettre que les vulnérabilités ont en fait augmenté la fraude et les mauvaises pratiques. Le nouveau système a privé de millions de bénéficiaires, surtout les plus pauvres et les plus démunis des services sociaux et de l’assistance alimentaire fournis par l’état. Le pire c’est que cela impliquait en grande parti des fonctionnaires ayant accès au système, qui en ont profité au détriment des plus démunis. Il y a eu des cas de morts de faim et des familles entières sans ressource. Pourtant le govt indien persiste et continue à l’utiliser sans pour autant fixer les failles observées. Beaucoup d’observateurs ont maintenu que le but réel ne serait pas la sécurité mais la surveillance des citoyens.

Après son implémentation à Maurice, le nouveau système utilisant la technologie biométrique a rapidement revélé ses manquements. Rien que pour les cas d’usurpation d’identité, on a noté au moins six cas rapportés à la police entre 2017 et 2022. Un premier cas repère une fausse carte presentée à la SBM de R. Belle et à la MCB de P. Magnien. Quelqu’un s’est fait passer pour un certain Bhargawah Appadoo decédé en Inde en 2016. On a decouvert que les cartes étaient identiques à celles émises par MNIC car leur lecteur n’a detecté aucune anomalie. Aussi en 2019 le cas de Noella S. de R Belle. La carte avait tous les details de la victime, sauf la photo d’une autre personne. Cette carte contrefaite a été utilisée pour faire des achats à crédit. Ensuite en janvier 2021 lors d’une fouille au domicile de Sandeep Appadoo, de fausses cartes biométriques furent trouvées. Son complice était aussi en possession de cartes contrefaites. Des cas vérifiables sur: www.defimedia.info et www.lexpress.mu. Pour rappel, les autorités nous avaient donné la garantie que ces cartes étaient infalsifiables.

La concentration de trop d’informations dans un seul lieu, tout comme la concentration de trop de pouvoirs entre les mains d’une seule personne n’a jamais été une bonne chose. La convoitise et la corruption entrent toujours en jeu à un moment donné. L’histoire est témoin des dérives associées à cela. Minimiser les risques est à mon sens la meilleure solution.

J’ai lu plusieurs articles pour et d’autres contre la carte d’identité biométrique. L’article : « Je ne suis pas opposé à la carte d’identité dite biométrique » paru dans l’express au début du mois d’octobre 2014 m’a vraiment impressionné. Les arguments avancés par Monsieur Emmanuel Richon avaient le mérite de nous exposer à une manière de voir qui caracterise une bonne partie de la population – les conformistes et les « bien-pensants ». Or en démocratie, suivre ce que fait la foule peut s’avérer dangereux car manipulable à volonté. Autrement, comment comprendre pourquoi autant de personnes éduquées de ce pays aient pris possession de leur carte biométrique sans faire de réelle opposition.

Cette logique serait basée sur trois points:
-L’actuelle carte avait fait son temps et pouvait être falsifiée trop facilement. On a eu des cas d’usurpation d’identité en utilisant de fausses cartes ID présentées en banque et chez des notaires. Cela a causé des préjudices graves aux victimes.
-La carte biométrique serait sans danger pour tous ceux qui respectent la loi. Ceux qui enfreignent la loi seraient apprehendés plus facilement en utilisant le CPD ‘Central Population Database’.
-Cette technologie de pointe apporterait une garantie sans faille dans la verification de l’identité d’un individu et rendrait les démarches administratives faciles et rapides.

Avec un raisonnement aussi simpliste, on ne fait qu’effleurer le sujet. S’il y a eu opposition de la part des citoyens d’autres pays comme le Canada, la France, l’Australie, l’Angleterre, les Etats Unis et l’Inde où c’est grâce à leur recours en justice que la mise en place du systeme de carte d’identité biométrique a été bloquée afin d’enlever le très controversé CPD condamnée par la haute cour européenne ! Cela démontre qu’il y a des problemes graves et des dangers y découlant, touchant à la Constitution même du pays.

Pour éviter la répétition, je ne reprendrai pas les aspects anticonstitutionnels de la carte par rapport au droit de mouvement, présomption d’innocence, prise d’empreintes, stockage et les craintes concernant la sécurité de ce CPD. D’autres l’ont déjà traité avant moi. Je vais plutôt me focaliser sur d’autres considérations qui méritent tout aussi bien notre attention.

Quelques exemples:
Puce RFID un « Tracking Device » :
L’américaine Dr. Katherine Albrecht en a fait son cheval de bataille. Elle mène une campagne agressive à travers son association Caspian, son livre Spychips et les vidéos de ses conférences et interviews sur YouTube.
(www.katherinealbrecht.com, www.facebook.com/kmashow )

La technologie RFID est actuellement utilisée comme un « tracking device » pour retracer des objets et des animaux. On l’a même utilisé sur des fourmis. La Chine est connue pour être le pays qui l’applique à ses propres citoyens. Les activistes et les opposants au régime ont beaucoup de mal à opérer. Ils sont repérés partout par des policiers munis de « lecteurs portatifs » qui collectent leur numéros ID pour ensuite les arrêter un par un. Lisez l’excellent article de Naomi Klein « Police state 2.0 ».
( https://naomiklein.org ) L’utilisation abusive de la Chine des cartes d’identité biométriques en parallèle avec la vidéo surveillance donne un éclairage nouveau sur l’utilisation de la technologie pour avoir un contrôle absolu sur la population.

Discrimination:
Ce système permet le « délit de faciès. ». Si la « figure » de quelqu’un ne convient pas à un officier de l’autorité, il peut pratiquer le harcèlement en exigeant de voir sa carte d’identité tous les jours, comme c’est une obligation de circuler en permanence avec celle-ci sous peine de délit passible d’une amende de Rs 100 000 et de 5 ans de prison.

Génocide:
Dans divers pays il y a encore des génocides qui sont commis par l’état. La République du Congo, la Syrie, le Cambodge, la Bosnie-Herzégovine, le Soudan (au Darfour) sont des cas connus. Des études ont été menées par l’université de Yale et du Minnesota (www.chgs.umn.edu) sur les génocides dans le monde. Elles sont consultables sur le net (www.preventgenocide.org/prevent). On note les remarques suivantes « ID cards are not a precondition to genocide but have been a facilitating factor ». Cela s’applique à des cas d’extermination & d’épuration ethnique, « When members of a group are targeted for special treatment ID cards have enormous significance in facilitating that crime ». Les exemples qui nous viennent immédiatement à l’esprit sont l’Allemagne nazie et le Rwanda.

Segrégation et haine raciale:
Les plus âgés se rappellent les bagares raciales de 1968. Tout doit être fait pour que des évènements de ce genre ne se répètent pas. Il est regrettable que beaucoup de pays connaissent encore ce genre de situation. Dans certains pays en Europe, en Asie et en Afrique, des franges de la population sont soumises à des traitements inacceptables. Des citoyens sont expulsés, déportés, assignés à résidence, ont perdu leur nationalité, concentrés dans des zones ou sont tout simplement éliminés.

Le point commun de ces pays, c’est qu’ils ont tous introduit une carte d’identité, ou l’ont amendé pour y introduire une mention qui définit l’origine de la personne par l’ethnie, la race ou la religion. Un seul détail a suffi pour faire la différence. Un ‘J’ sur la carte d’identité allemande a coûté la vie à 6 million de juifs et le nom ‘Tutsi’ a permis le massacre d’environ 800 mille personnes au Rwanda en1994.
Une section de notre loi fait mention d’une clause troublante et dangereuse. Dans le Finance Act 2009 au paragraph 15(d) on note: « Every identity Card shall bear such other information as may be prescribed ». Cette clause ouvre la porte à toutes sortes de danger. On note que l’on s’est adressé à Singapour pour notre carte biométrique, or ce pays est peut-être le seul au monde à mentionner l’origine ethnique sur la carte d’identité.

Racisme et dictature :
L’histoire nous rappelle les lois de l’apartheid et de Nuremberg. Deux exemples où il fut question de créer un registre de citoyens (Population Database) afin de les classer en ‘state-defined identity categories’ et le port obligatoire des documents d’identité (‘référence book’ et carte d’identité) sous peine d’amende et de prison. Cet exercice amena la pratique du racisme au niveau de l’état et la dictature. Les conséquences directes furent pour l’Afrique du Sud, le massacre de Sharpeville et la prison pour des millions de noirs. Du coté de L’Allemagne c’était les camps de concentration et les chambres à gaz pour des millions de juifs – les mêmes causes produisant les mêmes effets.

Depuis la première guerre mondiale, la carte d’identité a joué un rôle de premier plan dans de nombreux cas d’abus, de discrimination et de génocide de par le monde. C’est pour cela qu’il ne faut pas prendre à la légère l’introduction de cette carte biométrique. A part son coût astronomique (1,6 milliard au départ) et ce que le fonctionnement de ce CPD coûte déjà aux contribuables, il faut aussi examiner ses implications par rapport à la Constitution et à l’espace démocratique. “Do not start something you can’t stop”.

Peut-on savoir quel type de dirigeants nos enfants auront à l’avenir? Il faut dès aujourd’hui bloquer les risques de dérives qui peuvent installer au pouvoir un régime totalitaire dont on ne pourra se débarrasser que difficilement !

Il serait donc logique que soit détruit le Central Population Database, que la puce RFID soit désactivée et surtout que la loi soit amendée pour que ce ne soit pas obligatoire de présenter la carte d’identité biométrique aux autorités sous peine de 5 ans de prison et une amende de Rs 100 000 (Finance Act 2009-para 15(d) National Identity Card Amended-Transitional provisions) et National Identity Card (Misc Provisions) Bill) section 7 clause 2(c).

Que des citoyens aient pu exprimer leurs appréhensions, voire leurs craintes à la Human Rights Commission, à la police et dans les médias
(ex. www.youtube.com , www.facebook.com/notobiometricdata,) rassure que le peuple admirable dans son ensemble n’est pas complètement endormi ….. !!

Un Mauricien en Alerte

You may have missed